C'est un petit livre accessible et savant. «Que transmet-on lorsque l'on est juif, que l'on ne pratique pas, que l'on partage sa vie et que l'on élève des enfants avec un conjoint non juif ?» interroge Séverine Mathieu, sociologue à l'Ecole pratique des hautes études (EPHE) et membre du groupe Sociétés, religions, laïcités (CNRS) dans son dernier opus tout juste publié (1). Pour tenter de répondre à cette question, cette chercheure a rencontré 27 couples d'âges et d'horizons divers et a mené 11 entretiens individuels avec des juifs et non-juifs. Elle nous livre ici ses conclusions.
Pourquoi vous êtes-vous intéressée à la question de la transmission du judaïsme chez les couples mixtes ?
J’ai été frappée d’entendre des gens âgés de 30 à 40 ans, lorsqu’ils ont eu des enfants, se poser la question de la transmission du judaïsme, et voir cette question devenir saillante, en la mettant parfois en lien avec le regain d’antisémitisme du début des années 2000. Je parle de gens qui ne pratiquaient pas et qui pouvaient afficher une totale indifférence à cet héritage.
Cela m'a frappée également de voir cette question apparaître dans des films. Le Tango des Rashevski (réalisé par Sam Garbarski en 2003) met en scène une grand-mère qui disait détester la religion et les rabbins et qui avait passé sous silence son judaïsme pendant de longues années. A sa mort, ses descendants découvrent avec stupéfaction qu'elle a décidé de se faire enterrer dans le carré juif, avec récitation du kaddish, la prière des morts. La question du judaïsme et de sa transmission devient alors le centre