De Dostoïevski à Stefan Zweig, le jeu et son enfer appartiennent à la littérature. Les écrans glacés et bleutés dans la solitude de son salon ne sont pas si différents des salles de jeu feutrées des écrivains. Dostoïevski parlait des casinos, mais il pourrait écrire sur les jeux en ligne : «D'abord, tout me parut très sale. Malsain et sale moralement, pour ainsi dire. En matière de lucre et de gain, ce n'est pas seulement à la roulette que les gens s'évertuent à gagner, à extorquer quelque chose aux autres, c'est partout.»
Aujourd’hui, le gouvernement français entend légaliser les jeux en ligne, tentant de répondre à deux injonctions contradictoires. D’abord, mieux vaut intervenir, car les Français jouent déjà sur des sites illégaux, non régulés, non surveillés : la forme numérique du tripot. Seconde justification : nous pourrons mieux défendre et aider les accros au jeu.
L’opposition et une partie de la droite, dont l’inévitable Jean-François Copé, se sont saisis de cet argument et doutent avec raison de la bonne foi du gouvernement, à la fois médecin des âmes perdues et grand bénéficiaire de ces jeux. Comme si EDF était la mieux placée pour faire du conseil en économies d’énergie ou Orange pour proposer les forfaits les moins chers. Jouer n’est pas seulement de la littérature. On peut toujours arguer qu’un adulte est responsable de ses addictions et que l’Etat n’est pas une nounou. Il reste que si le jeu en ligne est désormais sanctionné par la puissance publique,