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Libération
Interview

«En soirée, la bouteille complète une panoplie»

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Marie Le Fourn, anthropologue, décrypte le rapport des jeunes à la boisson.
publié le 19 octobre 2009 à 0h00

Marie Le Fourn, anthropologue et psychoclinicienne (1), reçoit de nombreux adolescents dans ses consultations à Tours.

La consommation d’alcool des adolescents vous préoccupe-t-elle ?

Nous avons affaire à une génération qui boit effectivement beaucoup. D’ailleurs, celui qui ne boit pas se met à l’écart des autres. En même temps, l’énorme cuite les inquiète et les freine un peu : elle est donc loin d’être systématique. Mais il y a la quête de l’ivresse. L’envie d’être ivres ensemble.

Est-ce pour autant l’objectif de toute sortie ?

L’urgence des adolescents, c’est de s’éloigner du cercle familial pour aller rencontrer leurs pairs. L’alcool rend les choses possibles, c’est un excellent outil pour cela. Et même si, après coup, les jeunes ne se souviennent pas très bien de ce qu’ils ont fait, ils n’ont pas vraiment conscience de la prise de risque. Elle est pourtant induite par leur comportement et véhiculées par le marketing des boissons associées à l’alcool qui utilisent, par exemple, les sports extrêmes pour vendre leurs produits.

Pourquoi proposez-vous une analogie entre le corps des adolescents et la bouteille d’alcool ?

Je me suis aperçue que beaucoup en faisaient collection. Ils conservent des «cadavres», un peu comme des trophées. Des bouteilles de vodka et autres alcools forts, mais aussi des sodas qu’on mélange à l’alcool, et les boissons énergisantes, comme Red Bull ou Burn. La publicité pour ce type de produit circule beaucoup sous forme de vidéos sur le Web. Ceux qui les consomment y sont montrés comme sexuellement superpuissants, capables de faire des tas de conquêtes en une nuit. C’est un peu leur viagra. En tant qu’anthropologue, je fais évidemment une analogie entre la