Menu
Libération
FOODINGUES

Eperdu de pain

Article réservé aux abonnés
Naguère, il avait au moins sept vies: tartiné, grillé, en chapelure, mouillé avec la soupe, en croûtons aillés pour le civet de lapin du dimanche, en pain perdu, en ingrédient de farce.
Baguettes (French stick), bread made with organic flour, are displayed in a baker's oven at a bakery in Paris July 24, 2009. REUTERS/Benoit Tessier (FRANCE ENVIRONMENT FOOD) (Benoit Tessier / Reuters)
publié le 22 octobre 2009 à 0h00

Il faut bien l'avouer, on a fauté pour écrire ce qui suit. Pensez donc, on est allé de bon matin à la boulangerie acheter une baguette de pain - la «Tradition», s'il vous plaît, 1,05 euro - avec la ferme intention de la laisser rassir, d'en faire une baguette sèche comme un coup de trique, dure comme du bois, raide comme la justice. Quel intérêt, vous direz-vous, à gâcher ce pain «gagné à la sueur de son front», comme aurait dit sainte Arlette, quoique aujourd'hui on dirait plutôt à la sueur de son clavier ? C'est que le pain rassis est devenu une denrée rare dans notre cambuse. A peine parfois quelques croûtes rebelles, un quignon esseulé ou une tranche momifiée égarés sur un coin de table et vite jetés aux oubliettes. Pas de quoi en tout cas se mettre aux fourneaux pour réaliser une des 61 recettes avec du pain proposées par Jacqueline Ury (1).

Du coup, l'auteur de ce précieux opuscule nous a plongés dans une salutaire interrogation : la faute à qui si le pain ne laisse plus assez de miettes rassises dans nos cuisines ? La faute à nous d'abord, car pour jeter du pain dur, encore faut-il en engranger suffisamment de frais. Or les Français ne sont plus des affolés de la baguette : nous consommons environ 140 g de pain par jour, contre 200 g en 1970, 325 g en 1950 et 900 g en 1900. Sans remonter au XVIIIe siècle où l'on en mangeait deux kilos quotidiennement, il est révolu le temps où, à l'heure du «quatre heures», on se précipitait à la boulangerie pour me