Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es… Depuis que la cuisine est considérée comme un art qui n'apporte pas seulement des nutriments mais aussi du plaisir, de nombreux gastronomes philosophes - pensons à Brillat-Savarin - ont montré que les vertus des nourritures reposent sur l'association de qualités organoleptiques - odeur, sapidité, texture, température - et de procédés de symbolisation. En d'autres termes, à la gastronomie s'est agrégée une gastrologie car les aliments cuisinés remplissent autant les ventres que les imaginations. Dans l'Objet singulier (Editions de Minuit), un essai portant sur l'appréhension du réel, Clément Rosset accommode Descartes à sa façon en méditant sur un morceau de camenbert qu'il apprécie par comparaison avec un brie ou un livarot : «Que ce camembert évoque irrésistiblement ceux que j'ai déjà dégustés ne me renseigne pas quant à l'identité de sa saveur : je sais que celle-ci est différente de toute autre saveur, et c'est là tout ce que je sais et peux dire d'elle.» C'est qu'en dépit de leur commune étymologie la saveur n'est pas un savoir.
On la définira comme une image sensorielle acquise, réactivée de façon éphémère dans la mémoire ; partant elle ne peut que faire l'objet d'une reconnaissance. En incorporant la nourriture aux passions, un roman comme A la recherche du temps perdu rend pleinement compte de ce phénomène. Avec la fameuse petite madeleine, c'est une saveur oubliée qui ressurgit en «un plai