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Interview

«La beauté s’associe à la démocratie»

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Élisabeth Azoulay ethnologue, considère que l’obsession de l’apparence s’inscrit dans l’histoire :
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publié le 8 janvier 2010 à 0h00

Elisabeth Azoulay, ethnologue, auteur de 100 000 ans de beauté (Gallimard-L'Oréal, octobre 2009).

Vous semblez observer le développement de la médecine antiâge avec bienveillance. Pourquoi ?

Je trouve sa condamnation morale un peu sommaire. Cette attitude d’opposition ne me semble pas à la hauteur de la situation. C’est la première fois que notre civilisation sait qu’elle peut vivre, ou espérer vivre, jusqu’à 100 ans, et cette donnée change beaucoup de choses. Il y a l’envie de préserver l’existant, de ne pas se retirer des enjeux sociaux, de continuer à vivre sa sexualité. Donc on ne veut pas renoncer à l’apparence, on veut faire durer son corps pour ne pas se sentir disqualifié, rejeté, mis au rebut. Et comme la technique a évolué, qu’elle est plus nuancée, on peut jouer avec son image comme avec Photoshop.

Vous soutenez que l’obsession de l’image de soi est presque aussi vieille que l’humanité. Peut-on la dater ?

Elle est sans doute antérieure à notre espèce homo sapiens. L’archéologie a mis au jour des traces de couleurs qui s’appliquaient sur la peau, des parures extrêmement sophistiquées, des bijoux… Pour obtenir ce degré de sophistication, il fallait sans doute consacrer beaucoup de temps à l’apparence, ce qui ne colle pas du tout avec notre imaginaire d’un lointain passé qui serait réduit à la survie.

Dès que l’on fouille dans le passé, on s’aperçoit que les hommes prenaient du temps pour parfaire leur image, et qu’ils avaient un savoir-faire pour cela.

Cette obsession était-elle partagée par les deux sexes ?

Il serait absurde de croire que la beauté est uniquement une affaire de femmes. En France, jusqu’à la révolution de 1789, l’aristocratie se poudrait, se maquillait, portait des perruques, etc. Les révolutions b