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Libération
Interview

«Un idéal emprunté au porno»

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Sylvie Brunel géographe et essayiste, s’insurge, elle, contre la mode du ravalement et la dictature de l’éternelle jeunesse :
publié le 8 janvier 2010 à 0h00

Sylvie Brunel, géographe et essayiste, est l'auteure du Manuel de guérilla à l'usage des femmes (Grasset, octobre 2009).

En quoi résister à la médecine antiâge est à vos yeux un nouveau combat féministe ?

Se sentir obligée de passer sous le bistouri, c’est se conformer à des stéréotypes machistes : les femmes acceptent de se faire remodeler en fonction d’un idéal tout droit emprunté à la pornographie, qui hypertrophie les symboles sexuels du visage et du corps. La nouvelle tête des Barbie, à cet égard, est affligeante : même Cendrillon a une bouche de canard vibrant ! Les petites filles sont ainsi conditionnées à leur futur destin, qui serait d’abord et avant tout de séduire les mecs. Pour se trouver un bon mari sans doute ? Le féminisme est en train de perdre du terrain.

Pourquoi y a-t-il urgence aujourd’hui à remettre en question les canons de beauté ?

Les canons de beauté ont toujours existé. Ne pas se négliger est une nécessité sociale. Mais, là où on va trop loin, c’est quand le jeunisme artificialisé devient la référence obligée. D’abord, c’est un combat perdu d’avance. Personne n’est dupe. Dans le dos des femmes trop ravalées, les gens ricanent. Celles qui croient effacer les années sont condamnées à perdre et à souffrir. Le portrait de Dorian Gray finit toujours par ressurgir.

Et puis le passé est aussi ce qui vous donne de la valeur : le corps est un palimpseste de votre histoire unique. Les rides, mais aussi les cicatrices. Pourquoi vouloir gommer tout ce qui est vous ? Dans le milieu du spectacle, les femmes n’ont pas le droit de vieillir. Et, comme la politique devient spectacle, la dictature de l’apparence gagne aussi le