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Libération
Interview

«Aller dans un café devient un luxe»

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Monique Eleb, sociologue, analyse l’évolution des bistrots et note une forte hausse des prix.
publié le 8 février 2010 à 0h00

Expérience vécue : «Ah ! non madame, on ne sert plus de café après 17 heures !» Ah ouais ? Il fait -5 °C dehors, et tu vois, je n'ai pas très envie d'un Ricard, là… Accueil, prix, image de marque : le café change, se transforme, se «gentryfie». Promenade analytique dans le monde des cafés, avec Monique Eleb, sociologue et coauteur avec Jean-Charles Depaule de Paris, société de cafés.

Mais où sont passés les cafés ?

Celui qu’on cherche un peu en vain aujourd’hui, c’est le vieux café populaire pas cher, au comptoir bien présent, avec des prix très différents entre salle et bar. Il a commencé à disparaître il y a 15-20 ans : on élimine les comptoirs du café, pour éviter les pochetrons, changer l’image du repaire d’alcooliques. Alors qu’une triple révolution est en route, celle de l’accueil, du décor, de la clientèle, la plupart des cafetiers sont sourds aux critiques, notamment des jeunes gens. Costes par exemple qui est à l’origine de cette révolution du café, en 1984, telle qu’on la connaît aujourd’hui, comprend avant les autres que les jeunes ne sont plus satisfaits des cafés traditionnels. Il exige que les serveurs reconnaissent les clients dès leur seconde visite et se comportent à l’américaine, de manière impeccable. Il veut faire du café un art de vivre.

Vous parlez de «gentryfication» ?

Il y a, à l'origine, un changement de nature des patrons de café. Leurs enfants ont fait des études, des calculs de rentabilité, une analyse du marché, du quartier. Du coup la nature même du café se transforme. Mais surtout avec la mode