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Libération
Interview

«Le couple, c’est le cadre»

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Isabelle Clair, sociologue, a enquêté chez les jeunes de l’Est parisien :
publié le 17 février 2010 à 0h00

Elle a d'abord écrit les Jeunes et l'amour dans les cités, paru en 2008 (chez Armand Colin) après une longue enquête dans quatre cités de deux villes de la banlieue parisienne. Membre du CNRS, la sociologue Isabelle Clair vient de se pencher sur la vie amoureuse de filles et de garçons de deux quartiers parisiens.

Vous avez observé une hiérarchisation des sexes, comment se manifeste-t-elle ?

Cela passe par la surveillance de la sexualité des filles, et la construction d’une moralité. Ce phénomène est favorisé par les interconnexions fortes : dans le quartier, on se connaît, on sait qui est une «pute», une «fille bien». Cet «ordre de genre" impose une double injonction : une fille doit jouer la fille, un garçon doit jouer le garçon. Et c’est là où on observe la hiérarchie : pour les garçons, le pire est de ne pas avoir l’air d’un «vrai mec». Pour une fille, le pire, c’est de ne pas apparaître comme vertueuse. Les garçons doivent être ce qu’ils sont, les filles, elles, doivent montrer qu’elles sont dominées. C’est que j’ai déjà observé en banlieue et dans les zones rurales.

Qu’est-ce qui ressort quand les filles parlent de sexualité ?

On sent une culpabilité quand elles ont une sexualité hors du couple qui n’a pas d’autres fins que le plaisir. Chez ces jeunes, on voit une loyauté vis-à-vis des valeurs familiales, surtout quand ils viennent de l’immigration, par exemple sur la virginité ou la légitimation de la sexualité par le mariage. Mais il y a aussi une injonction propre aux populations blanches d’aujourd’hui : la sexualité des filles se légitime par les sentiments. Les jeunes des cités sont aussi porteu