«Mes chers amis, quand je mourrai,/Plantez un saule au cimetière,/J'aime son feuillage éploré.» Et voilà. Il a suffi de trois vers de Musset pour que le saule devienne l'arbre des larmes, le miroir de notre mélancolie névrotique. Et bien, non ! Suffit l'intox ! Il y a saule et saule ! Sur les 350 espèces du genre, une seule geint, Salix babylonica, venue de Chine comme son nom ne l'indique pas. Toutes les autres pètent de joie ; ces arbres sont mêmes parmi les premiers à jaillir du sommeil hivernal, lançant leurs tiges haut et fort, rouges, jaunes, blanches, noires, argentées, bleues, selon les espèces.
Voyez donc au Jardin des plantes, à Paris, où nous guide le jardinier Yann Hermet. Il y pousse une demi-douzaine d’espèces, dont une grande qui a déjà sorti tous ses chatons, boules de fourrure qui protègent des derniers froids les fleurs pressées d’éclore… Le saule est bon vivant. De surcroît, il compte dans ses rangs un bienfaiteur de l’humanité.
Du bois et des tiges de diverses espèces de saules, on a tiré de la vannerie, des fusains, des battes de base-ball. De l'écorce du saule blanc Salix alba, on a tiré la salicine, à l'origine du médicament le plus consommé aujourd'hui : l'acide acétylsalicylique, autrement dit l'aspirine. 11 milliards de comprimés consommés contre la fièvre, l'inflammation, les douleurs, la coagulation sanguine. Depuis 1897, la molécule de l'aspirine est produite par synthèse selon un procédé inventé par l'Allemand Felix Hoff