Une extraordinaire brume mauve s'est déployée cette semaine dans le silence du Jardin alpin. Fermé au public avant sa réouverture annuelle, le 1er avril, ce territoire de microfalaises et nanomontagnes, construit au cœur du Jardin des plantes du Muséum national d'histoire naturelle, à Paris, abrite, poupine les flores de moyenne altitude et de diverses latitudes, de la Corse aux Balkans en passant par les Cévennes et la Suisse. Or, en quelques nuits, des légions de crocus sauvages ont surgi des rocailles et épandu leurs volutes dans les allées foulées par les seuls jardiniers.
Justin Thomas en est un, justement. Né à Pondichéry, en Inde, il est entré au Jardin des plantes en 1995 au terme d'une première vie militaire, dans l'artillerie, qui l'avait mené à Beyrouth en 1983 dans la force multinationale, puis à Djibouti. Fort de trois ans de formation continue en botanique au Muséum qui ont épaulé le savoir transmis sur le terrain par ses collègues jardiniers et «les pauses passées à lire», le voilà donc, le sourire large, au commandement, cette année, du lopin dit «les Balkans». Tout bleui de crocus, ce bout de terre qui présente les plantes de cette région tourmentée est le foyer majeur d'où est parti, ces jours-ci, l'assaut des crocus. Un remake, en fin de compte, de la façon dont cette petite bulbeuse a conquis les jardins d'Europe du Nord. C'est en effet des Balkans alors sous contrôle ottoman que sont arrivés à Vienne, puis en Hollande, les premiers bul