Seuls ses doigts qui pianotent sur la table trahissent sa nervosité. «Lorsqu'on cherche à définir l'identité nationale, c'est dommage qu'on ne pense pas à interroger les enfants de migrants. Ce sont des virtuoses de la construction identitaire ; ils sont au cœur de la métamorphose.» C'est dit avec un grand sourire. Comme si Marie-Rose Moro s'interdisait l'amertume. Dans la France de Nicolas Sarkozy, elle fait partie de ceux qui rappellent à l'envi que le métissage est inscrit dans notre histoire commune.
Voilà vingt-cinq ans que cette pédopsychiatre écoute les enfants venus d'ailleurs. Elle s'est fait une spécialité des souffrances nées de l'exil, du déracinement et de la nécessaire adaptation dans un pays d'accueil qui ne facilite pas souvent la tâche. D'autres s'y sont attelés avant elle. Serge Lebovici puis Tobie Nathan l'ont initiée à l'ethnopsychiatrie, aux consultations «transculturelles». Derrière ces formules, des séances de psy sans divan où parents et enfants sont reçus ensemble. Pas par un seul psychiatre mais par un groupe de thérapeutes souvent aidé d'un interprète puisque les patients sont invités à s'exprimer dans leur langue maternelle. C'est cette façon de travailler qui a fait la notoriété de Marie-Rose Moro. Et c'est à Bobigny, en Seine-Saint-Denis, à l'hôpital Avicenne que certains nomment encore «l'hôpital des indigènes de la République», qu'elle a construit sa méthode.
On la croise à l'occasion de colloques sur les ados, en jean