«Beaucoup de fleurs sont cultivées à Luoyang mais une seule est appelée"mudan" (la fleur). C'est la pivoine en arbre. On en cultive dans chaque jardin mais un seul porte le nom de jardin des pivoines : on y trouve plusieurs centaines de milliers de pivoines.» Ainsi le poète Li Gefei chante-t-il, en 1039, l'un des 19 jardins qui ont fait la splendeur de Luoyang, capitale déchue de la Chine ancienne, aujourd'hui seconde ville de la province du Henan. A cette époque, rapporte l'ethnobotaniste Georges Métailié, «les textes chinois décrivent 900 variétés de pivoines. On est prêts à dépenser des sommes considérables pour seulement les voir» (1).
Un millénaire et 8 000 kilomètres plus loin, il est un jardin de pivoines où l'on peut s'attarder sans bourse délier : à Paris, tout de suite à droite de l'entrée principale du Jardin des plantes. Certes, il est planqué derrière une guinguette et hanté par le vacarme des quais. Certes, il héberge seulement une trentaine de variétés de pivoines arbustives. Mais il faut y aller maintenant pour comprendre ce que mudan veut dire : leurs fleurs sont à leur paroxysme, joufflues, larges de 30 centimètres, du rose au blanc en passant par le rouge pivoine, bien sûr. Des merveilles, offertes en 2004 au Muséum national d'histoire naturelle par la ville de Yatsuka qui en produit 1,8 million par an.
Le Japon, précisons-le, a emprunté à la Chine sa passion millénaire pour les paeonia