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Libération

La cuisine de chambre

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Les foodingues. Chaque jeudi, réveil des papilles. Fin gourmet, un grand pneumologue a continué de régaler sa femme hospitalisée pour cancer. Sur place, avec trois fois rien.
Le professeur Derenne a imagine? un syste?me de cuisson simplissime avec une bouilloire, transportable au chevet de sa femme. (Christophe Maout)
publié le 10 juin 2010 à 0h00

C’est une petite table blanche dans une cuisine silencieuse au fond d’un appartement parisien. Pendant plus de quarante ans, Jacqueline et Jean-Philippe Derenne s’y sont attablés chaque soir. Il lui faisait la cuisine, elle était gourmande de ses plats : les coquilles Saint-Jacques ; la côte de veau à l’ail nouveau ; la langouste au piment d’Espelette ; les rognons d’agneau au madère ; les pêches blanches aux pistaches et au Gewurztraminer vendanges tardives.

Jacqueline est morte le 29 janvier. En 2006, on lui avait diagnostiqué un méchant cancer du sang. D'elle, il reste son grand sourire et sa main enlacée dans celle de son mari sur la couverture de l'opuscule où Jean-Philippe raconte «comment elle est partie». Un récit millimétré, poignant, insupportable. De leurs derniers dîners, il reste, affichée dans la cuisine, une liste des nourritures disponibles dans le congélateur - foie gras, caille, tête de veau… - et surtout le dernier livre de Jean-Philippe Derenne Cuisiner en tous temps en tous lieux (éd. Fayard), sorte d'épilogue d'une histoire culinaire, littéraire et amoureuse qu'il a racontée dans les deux précédents tomes de l'Amateur de cuisine (1). «Ce n'est pas dans les grandes déclarations […] que se joue la relation entre les êtres. C'est bien plutôt dans la multitude des petites attentions, des petits gestes, écrit Jean-Philippe Derenne. Faire la cuisine est une de ces façons d'élaborer et de réaliser ces minidéclarations d'a