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Ça porte l’époisses

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Tu mitonnes !dossier
Les foodingues. Chaque semaine, passage en cuisine et réveil des papilles. Aujourd’hui, de la pâte molle.
publié le 17 juin 2010 à 0h00

L’époisses n’est pas un fromage. L’époisses est un songe, une ritournelle gourmande ; une persistance papillaire ; une empreinte olfactive ; un apostolat gustatif pour tous les apôtres de ce fromage bourguignon à pâte molle et à croûte lavée, appellation d’origine contrôlée depuis 1991. Notre noviciat en matière d’époisses remonte à l’époque des grandes tablées familiales de l’Assomption, quand un grand-père prosélyte entreprenait la dégustation d’un sujet crémeux et à la flore baroque avec la même application qu’il mettait à consulter ses abaques de cheminot. De la pointe de son petit couteau, il nous tendait de minces lichettes de ce fromage à la pâte ivoire et à la croûte orangée que l’on croyait tout droit sorti de l’étable tant il nous rappelait les flaveurs du lait tiède à peine tiré du pis d’une montbéliarde et les senteurs du foin chauffé au soleil d’été.

Humeur. Il y avait aussi la flagrance du marc de Bourgogne avec lequel on avait frotté l'époisses durant son affinage et qui paraissait à notre palais de minot la plus sublime des canailleries gourmandes d'adulte. De cette époque date une propension naturelle à débusquer les yeux fermés l'époisses à trois plateaux de fromage à la ronde. On s'en réjouit comme d'autres hument avec volupté l'irruption d'un Chanel N°5 dans une rame bondée de la ligne 4, un matin de grève du métro. A ceux qui n'ont jamais goûté l'époisses, on dira malicieusement qu'il y a la vie avant et après, tant ce fromage, le pays et