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L’inventeur du sexo-bobo

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Laurent Karila. Ce psychiatre de 37 ans est un spécialiste des addictions. A l’américaine, il met le sexe au nombre des dépendances.
publié le 23 juillet 2010 à 0h00

Il a l’air un peu fou de ceux qui soignent la psyché des autres. Le corps agité des impatients qui ne s’arrêtent jamais. Et la tête déjà absorbée par ce qu’il va faire après l’entretien. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Laurent Karila, 37 ans, est un drôle d’oiseau : il vole à trois cent à l’heure, aime ça, ne se pose qu’à épuisement et ne revient jamais en arrière. Psychiatre à l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif (Val-de-Marne), il a fait des addictions sa spécialité : alcool, drogues - surtout la cocaïne - et maintenant la nouvelle dépendance en vogue, le sexe.

Début 2009, il a ouvert une consultation pour les drogués du cul, où il reçoit une dizaine de patients par mois. Masturbation compulsive, visionnage à outrance de sites porno et besoins sexuels dévorants : cette dépendance comportementale, conceptualisée au milieu des années 70 par le psychologue américain Patrick Carnes, en laisse plus d’un sceptique. Et pour cause. Quel mal y aurait-il à trop baiser ? A première vue, aucun. Surtout quand l’époque transforme la moindre baisse de libido en dramatique aveu de faiblesse. Le sexe devenu quasi une obligation légale, la réalité d’une addiction sexuelle apparaît bien peu crédible, voire risible.

Pourtant, cet asservissement libidinal ruine la vie de certains. Laurent Karila a vu passer un «téléchargeur compulsif de vidéos porno qui se masturbait vingt-cinq fois par jour et ne pouvait plus aller travailler», «des patients qui développaient des pensées obsédantes