Il faut ménager sa monture pour aller loin. Pour ménager la planète, Bridget Kyoto, une écolo névrosée, a décidé de ne plus aller très loin. Sauf à user pleinement d’une ressource non renouvelable : le temps. Les écologistes honnissent l’avion, mode de transport à bas coût, qui abolit les distances et supprime le délice suprême du cheminement.
En le bannissant, Bridget ne se prive pas pour autant de destinations lointaines et dépaysantes. Voilier, train, bus, pieds, les modes de déplacement doux sont légion. Les contemporains de Bridget l’ont oublié depuis l’avènement des supersoniques : il faut du temps pour aller loin. Un vol qui vous catapulte de Paris à Marrakech dure à peine deux heures trente, tandis qu’il faut trente-six heures de traversée pour rallier Sète (Hérault) à Tanger. A bord d’un des bateaux de la Comanav (1), le dépaysement commence avant même de fouler le sol du Maroc. Seule la vétusté des navires met en péril le bilan carbone du trajet. Et la traversée seule coûte 170 euros, plus qu’un aller-retour dans les cieux… Il n’y a pas de justice pour les héros climatiques.
Eden. Cet été, Bridget a fait encore plus fort. Pour revivre les sensations des rescapés de la série américaine Lost, elle a décidé d'explorer l'île idyllique de Flores au Portugal. Sur cet ancien volcan, les falaises vomissent des cascades d'eau pure au milieu d'une végétation luxuriante. L'ambiance est rythmée par les nuages de brume et les chants de centaines d'oiseau