Régression, compensation, ou simple passe-temps... Sylvain Missonnier (1), professeur de psychologie clinique de la périnatalité à l'université Paris-Descartes, décrypte ce nouvel engouement pour les poupées reborn.
Quel regard portez-vous sur ces femmes qui s’achètent des copies conformes de nourrissons ?
D’abord, il faut absolument se garder de poser un jugement de valeur global. Et replacer cet engouement dans une perspective historique. Il n’y a en fait rien de nouveau sous le soleil. De tout temps, les adultes ont fabriqué des poupées et les enfants ont mis en scène une relation affective avec elles. Faire semblant d’être un grand qui s’occupe d’un petit est typique de l’humain, quelle que soit sa culture. Quand les parents tiennent leur nouveau-né dans les bras, ils réalisent un rêve d’enfant.
Ce qui est neuf avec les poupées reborn, c’est la visibilité qu’offre Internet pour revendiquer et mondialiser sa passion. Sur le Web, on distingue deux types de passionnées : les confectionneuses et les collectionneuses. Les premières s’adonnent à un loisir créatif qui peut devenir un métier très lucratif. La visite de forums montre que chez les secondes, il y a des femmes frustrées de ne pas avoir eu de poupées étant enfant, des mères qui veulent retrouver la sensation de s’occuper d’un tout-petit et des jeunes filles qui rêvent de maternité... Nous avons tous besoin de fictions anticipatrices pour nous construire (romans, films, séries...), dans lesquelles nous nous projetons. Avec les poupées reborn, bébés virtuels, on est bien là aussi dans le domaine de la