C'est dimanche et l'on va flemmarder encore un peu au lit. On mettra peut-être la radio pour écouter le bruit du monde avant de tâtonner sous le lit pour finir la lecture du Canard enchaîné du mercredi ou divaguer dans le Grand Sud chilien parmi les nouvelles de Francisco Coloane (1). La nouvelle est une gourmandise des matins oisifs entre deux gorgées de café noir ; une ritournelle de la bande FM et le chat qui implore sa Vache qui rit.
Entre deux histoires, on fait durer le plaisir de la flemme en épiant la vie qui s’éveille dans la maisonnée. Car le dimanche n’est pas seulement le jour béni des commères rivées à leur rideau, store et autre jalousie pour mater le voisinage. C’est aussi le moment opportun pour espionner en tout bien et tout honneur les casseroles et les fourneaux de vos voisins. Pour peu que l’on dispose d’une cour intérieure, il suffit de prêter l’oreille et d’humer les fumets conquérants pour deviner ce qui se prépare pour le déjeuner dominical.
Du fond de votre lit, vous saurez ainsi reconnaître le mouvement sec et rapide du couteau qui émince les oignons sur la planche à découper, le parfum du bourguignon que l'on fait revenir dans la cocotte puis l'arôme capiteux du puissant vin rouge avec lequel on l'a mouillé. A ce petit jeu enivrant et rassembleur du bruit et de l'odeur, on se régale en pensée avec la première choucroute hivernale de la voisine du 4e et les riches fragrances du ras-el-hanout qui parfume le tajine de notre compagnon