Que se dit une juive polonaise, après vingt ans de mariage, le matin en se levant et en se regardant dans la glace ? «Bien fait pour lui !» Ou bien : «Télégramme juif : commence à t'inquiéter. Détails suivent…» Ou encore «A Auschwitz, le jour de Kippour, des juifs très pieux prient en cachette. Dans sa douleur et dans sa fièvre, l'un d'eux élève soudain la voix. Les autres le rappellent à l'ordre aussitôt : "Plus bas ! Dieu pourrait s'apercevoir qu'il en reste encore quelques-uns"…» Trois exemples emblématiques de l'humour juif qui, contrairement à ce qu'en disent les clichés habituels, n'est pas dans une position doloriste, masochiste, mortifiée, face à la vie, mais se place «du côté de la vie, en prenant acte de la discordance inéluctable entre les idéaux proclamés et la réalité observée», expliquait mercredi au Musée d'art et d'histoire du judaïsme, à Paris, Gérard Rabinovitch, auteur de l'indispensable Comment ça va mal ? L'humour juif, un art de l'esprit (1), lors d'une conférence sur cette forme d'humour particulier, qui tranche avec les rires de sarcasme, ces railleries dont Spinoza disait qu'ils appartenaient à la haine.
Autodérision. Le philosophe et sociologue au CNRS, également auteur de De la destructivité humaine (2), explique que l'humour juif pourrait rencontrer l'humour anglais dans cette «forme de rire bienveillant qui prend note d'un ridicule partagé». L'historien Emmanuel Berl o