Dans une conférence célèbre intitulée «l'Eternelle Sacrifiée» prononcée le 28 janvier 1906 à l'université populaire de Lille, Nelly Roussel (1878-1922), grande féministe bourgeoise du début du XXe siècle, faisait de l'union ou du mariage sans amour de la pure et simple prostitution. Elle précisait en effet : «La jeune bourgeoise qui se marie, ou plutôt se laisse marier, pour "se faire une situation" avec un monsieur qu'elle connaît à peine, qu'elle n'aimera jamais peut-être ; l'ouvrière qui prend un amant parce que son maigre salaire ne lui permet pas de vivre seule ; et la malheureuse, qui, pour manger le soir même, raccroche dans la rue le premier passant… accomplissent toutes trois à peu près le même geste, auquel nos lois et nos mœurs les condamnent presque inévitablement: elles livrent leur corps à un homme en échange du pain quotidien !» (1)
émancipation. Révoltée par ce fait comme bon nombre de féministes de l'époque, Nelly Roussel propose, pour sortir de cette situation, une émancipation générale des femmes, d'un point de vue juridique d'abord (supprimer les dispositions les plus aberrantes du code civil de 1804 qui font de la femme mariée une mineure au regard du droit et de la société), au travail ensuite (autonomie financière, accès à toutes les professions et égalité des salaires), dans la vie politique enfin (obtention, entre autre chose, du droit de vote) ; mais elle souligne également la nécessité de transformer profondément