On avait goûté ce vin un soir de fête, dans un village de l’Aveyron. Il faisait nuit, il y avait foule, les ruelles dévalaient entre de hautes maisons aux pierres sombres. Le marcillac coulait à flots, l’ivresse était partout. Ce vin noir paraissait aussi mystérieux que ce village, Bruéjouls, tout droit sorti d’un film de Chabrol. L’une des cuvées les plus intéressantes s’appelait Pèirafi et son vigneron, Jean-Luc Matha, habitait le bas du village.
On s’était promis de revenir pour découvrir de jour ce curieux hameau, et comprendre pourquoi ce vin était souple et rustique à la fois. Dans la lumière d’automne, les pierres des maisons apparaissent comme la terre du vallon : incroyablement rouges. Un calcaire local qui donne à ce village un aspect ténébreux. Autour, des vignes en terrasse. Le marcillac était un vin de paysans et de mineurs, produit avec un cépage ombrageux, le mansois. Une variété aux tanins durs, herbacés. Raisin caractériel qui donnait des vins âpres, épais, qui nourrissaient son homme, mais lui laissaient parfois l’impression de s’être lavé les dents avec de la craie. Noire.
Puis les mines ont fermé, le marcillac a plongé. Jean-Luc Matha, dont le père était infirmier psychiatrique et amoureux de la terre, a décidé de faire du vin. Son vin. De garder la rusticité tout en essayant de la rendre accessible. Il a éraflé la récolte avant de la mettre en cuve, ne laissant que les grains du raisin, plus les tiges. Cela ne se faisait pas à l’époque et certains ont été