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Libération
Libé des philosophes

Légumes des jours

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Foodingues . Chaque jeudi, passage en cuisine et réveil des papilles. Aujourd’hui, la «légumiade».
Aubergines. (Punit Paranjpe / Reuters)
par Jacques Schlanger
publié le 2 décembre 2010 à 0h00

A quelques exceptions près, les philosophes, qui ont la prétention de traiter des grandes questions de fond, se sont peu occupés des besoins corporels des êtres humains, et plus particulièrement de leur nourriture. Plus rarement encore, ils nous font savoir ce qu'eux-mêmes mangent et ce qu'ils aimeraient manger. Bien sûr, nous savons que Socrate a été l'hôte d'un célèbre banquet, mais on ne nous précise pas quel en était le menu. Par-ci, par-là, on trouve quelques indications qui nous laissent pour ainsi dire sur notre faim. Diogène Laërce, dans ses Vies et doctrines des philosophes illustres, (X, 9) mentionne à propos d'Epicure : «Il dit lui-même dans ses lettres qu'il se contentait de pain rude et d'eau, et il écrit : "Envoie-moi un pot de fromage, afin que je puisse, quand je le voudrai, faire grande chère." Tel était celui qui enseignait que le plaisir est la fin.»

Montaigne est plus explicite, surtout dans la dernière partie de ses Essais. C'est ainsi qu'on trouve dans le chapitre «De l'experience» (III, 13) : «Je ne suis excessivement désireux ny de salades ny de fruits, sauf les melons. Mon pere haïssoit toute sorte de sauces ; je les aime toutes… Il y a des mouvemens en nous, inconstans et incogneus ; car des refors [raiforts, ndlr], pour exemple, je les ay trouvez premierement commodes, depuis facheux, à present de rechef commodes. En plusieurs choses je sens mon estomac et mon appetit aller ainsi diversifiant : j'ay rechangé du blanc