Dehors, les flocons tamisaient la lumière jaune du lampadaire. La nuit tombait. Le gratin sortait du four, on a ouvert un pinot noir d’Auvergne. Sans souci d’accord particulier. Juste l’envie de boire ce vin-là, ce soir-là. Un pinot noir de Frédéric Gounan, vigneron rencontré l’hiver précédent, en plein doute à l’époque. Dans un livre réédité le mois dernier, juste après la mort de Marcel Lapierre (1), l’auteur écrit que le goût du vin se prolonge par l’admiration des hommes qui le font. Admiration ou curiosité ? En allant chez Gounan, après avoir goûté l’un de ses pinots noirs aux délicieuses notes fumées, on voulait comprendre comment il faisait ce vin, et pourquoi.
En arrivant chez lui (2), on l'avait trouvé plongé dans le moteur d'une belle anglaise. Une Lotus Seven - le roadster décapotable du Prisonnier. Dans une première vie professionnelle, Fred Gounan avait été mécanicien. Avait fabriqué le premier prototype de la moto Voxan. Puis son atelier racheté, il avait raccroché les clés à pipe, ne se sentait pas fait pour l'industrie. Il adorait le vin, a récupéré un peu de vigne, moins de deux hectares, près de chez lui, en dessous de Clermont-Ferrand. Il a commencé avec du gamay (très réjouissant) et donc ce pinot noir, cépage sensible qui révèle les terroirs lorsqu'il est bien mené. Le vigneron voulait «mettre la terre en bouteille». Sa terre volcanique, d'où les notes fumées. Il travaille en bio sur de petits rendements (moins de 30 hectolitres à l'hect