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Libération

Tiens, voilà du moulin…

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Foodingues. Chaque jeudi, passage en cuisine et réveil des papilles. Aujourd’hui, le poivre, roi des épices.
(cc Flickr - Dottie Mae)
publié le 9 décembre 2010 à 0h00

Le vieux est à l’hôpital. Sombre et taiseux. Faut dire qu’il n’a pas dû mettre les pieds chez les blouses blanches depuis l’infirmerie du régiment il y a au moins un demi- siècle. Un phlegmon à la gorge qu’il avait à l’époque. Soigné à la hussarde qu’il nous racontait : bistouri sous la glotte et pénicilline dans le fondement. Il nous a rebattu cette histoire aussi souvent que ses classes à Mourmelon. Mais cette fois, c’est du sérieux.

Ça a commencé en plein été. Une toux caverneuse. Le vieux a mis ça sur le compte d'une méchante pluie d'orage alors qu'il était parti taquiner le brochet. Il a ronchonné sur les médocs prescrits par le médecin. Pour un peu, il nous aurait refait le coup de la tisane de feuilles de ronces qu'on était obligées d'avaler quand on était marmots et grippés. Et puis, il y a eu ce souffle rauque qu'on lui a découvert quand il était en train d'arracher son carré de pommes de terre. On a voulu lui prendre le bigot des mains et, pour une fois, il nous a laissé faire. Au passage, on a pris une belle avoinée parce qu'on n'était pas foutu de déterrer ses patates sans en massacrer deux ou trois. Quand on est revenu à la Sainte-Catherine, il nous a laissé bêcher son jardin. Ce n'est pas que ça l'enchantait. Il nous lorgnait derrière le rideau de la cuisine et s'est même autorisé une sortie pour nous asséner «Mets pas trop de fumier, ça va brûler la terre».

Quand le médecin a dit qu'il fallait l'hospitaliser pour des examens, le vieux n'a étonnement pas