Luca Roagna parle parfaitement le français. Et adore détailler dans la langue de Baudelaire, qu’il aime beaucoup, les macérations qu’il applique à ses vins, élaborés dans le Piémont. Il est disert, mais garde secrète la recette de sa cuvée la plus mystérieuse : le barolo chinato. Un vin à la quinine, une plante médicinale d’une fâcheuse amertume. On avait vaguement entendu parler de la chose, avant de tomber dessus le week-end dernier, à la Cugnette, salon très convivial à Bron, près de Lyon.
Des amateurs passionnés sillonnent l'Europe pour dénicher des crus intéressants, et les présentent, en janvier, à d'autres passionnés. Le penchant des organisateurs pour la péninsule italienne permet de découvrir des vignerons transalpins triés sur la persiana. Et de constater que le tanin est plus en vogue de l'autre côté des Alpes. La plupart des vins rouges y sont plus concentrés, très extraits. Ceux de Luca Roagna macèrent lentement (parfois jusqu'à trois mois), avant de vieillir très longtemps (certaines cuvées passent jusqu'à huit ans en foudre). Venu au salon avec sa copine, il travaille sur un domaine de quinze hectares que sa famille exploite depuis cinq générations. Et prend plaisir à faire goûter. Il vous prend à témoin, pointe vers vous un menton en galoche, pendant que sa copine le dévore des yeux. Ses premières cuvées, classiques, sont joliment fondues : il attend qu'elles soient mûres pour les proposer. Puis la dégustation se termine avec son fameux barolo chinato