Ça nous est tombé dessus l’autre soir, après une journée passée à courir. Il fallait un repas simple et goûteux. On a opté pour une maoche. Une saucisse au cochon et aux choux, préparée par un petit boucher ardéchois. Un vin fruité semblait tout indiqué mais allez comprendre pourquoi, on a eu envie d’un vin espagnol. Quelque chose de tannique et droit, de soyeux, d’élégant. On a ouvert une cuvée Bellesa perfecta («beauté parfaite») 2008 que deux Français, Christophe Brunet et Franck Massard, élaborent dans le Priorat. On avait découvert ça voilà quelques semaines en goûtant le vin longuement carafé. Il semblait suave et fondu, épanoui, prometteur. Cette fois, on a ôté le bouchon, versé d’emblée, et en approchant le verre, on en a pris plein le nez. Quelqu’un avait oublié son cheval dans le verre. Une odeur incroyablement animale. On a adoré cette déviance, et décidé d’appeler en Espagne les auteurs présumés.
Leur crime ne serait pas prémédité. Selon Christophe Brunet, c'est le résultat d'un accident assumé. D'ordinaire, ils font à la place de ce vin fauve une cuvée qui s'appelle Huellas («empreintes»). Un vin frais, élégant, à base de grenache, carignan et syrah. Le vin dont ils rêvaient en se posant dans le Priorat, voilà six ans. Jusque-là, ils étaient sommeliers, avaient beaucoup voyagé, puis leurs souliers les ont menés au sud de Barcelone. Ils y ont acheté 3,3 hectares en 2004. Des vignes en terrasses, avec un sol argilo-calcaire et du schiste sur les hauteurs.