Quand on est petit, on aime bien être le meilleur en patins à glace ou le meilleur gardien de but. Mais finalement, quand on est grand aussi. Du moins, c'est comme cela qu'on s'explique cette frénésie de récompenses, censées distinguer les meilleurs d'entre nous, alors qu'on est sorti du système scolaire depuis longtemps. «Tu travailles pour toi et pas pour le prof», disent les parents hypocrites. Ils feraient bien d'en prendre de la graine, eux qui passent leur vie à participer aux concours de la meilleure tarte aux pommes, du meilleur journaliste, de la meilleure actrice, chacun selon ses compétences.
Si Jean-Paul Sartre a refusé de recevoir le prix Nobel, on a rarement vu un sélectionné à une cérémonie des césars s’exclure de la compétition. Tous semblent préférer prendre un air superétonné quand ils obtiennent le gros lot, comme si c’était tout à fait par hasard qu’ils se trouvaient assis en smoking ou en robe de princesse dans une salle de gala. Pourquoi sont-ils obligés de jouer la surprise, alors que les gros plans montrent les visages crispés des perdants ? Bien sûr, ce serait un peu grossier de dire «je le savais». Mais doit-on pousser la tartufferie jusqu’à dire «je n’ai rien préparé, je ne m’y attendais pas» ? Pour ensuite remercier son épouse, son mari et sa maman, comme si le prix récompensait aussi fatalement la fidélité conjugale et la famille et qu’il fallait absolument signifier à la terre entière que vivre en couple, c’est nager dans la crème chanti