Menu
Libération
Interview

«La sanction renforce les identités viriles»

Article réservé aux abonnés
Éducation. Sylvie Ayral, chercheure, a analysé 6 000 punitions infligées à des collégiens. Résultat : plus de 80% concernent des garçons, qui s’en enorgueillissent:
publié le 11 mars 2011 à 0h00

Plus de 80% des élèves punis au collège sont des garçons. Pourquoi ? Par quel processus ? Avec quels effets ? Sylvie Ayral a été institutrice pendant quinze ans en milieu rural, elle est aujourd'hui professeur d'espagnol dans un collège et docteur en sciences de l'éducation. Elle a enquêté dans cinq collèges de Gironde aux profils variés : rural, ZEP, périurbain plutôt favorisé, défavorisé du centre-ville avec de nombreux élèves issus de l'immigration et, enfin, un établissement privé à fort taux de réussite scolaire. Elle y a épluché les registres et plus de 5 842 sanctions pour arriver à ces chiffres édifiants : 83% des punitions pour indiscipline sont le fait de garçons, et 91% quand il s'agit d'atteinte aux biens et aux personnes. Plus la transgression est grave, plus les garçons sont représentés. Dans un livre percutant, intitulé la Fabrique des garçons (1), Sylvie Ayral montre comment, loin d'atteindre leurs objectifs, les punitions sont contre-productives. Et renforcent les identités de genre et la domination masculine.

Les garçons sont les plus punis ; comment les enseignants l’expliquent-ils ? La faute aux hormones ?

J’ai beaucoup entendu cela : «C’est les gènes, les hormones.» Beaucoup invoquent la nature : c’est «comme ça». On parle d’instinct masculin. On dit que les garçons sont plus agressifs que les filles. Ces réponses, très nombreuses, sont savoureuses. Pour les enseignants, il y a deux catégories : les garçons bourrés de testostérone, et les filles supposées être plus calmes. On n’invoque pas seulement la biologie. J’ai aussi entendu des explicatio