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Libération
Interview

«Les goûts et les dégoûts, ça se transgresse»

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Gilles Fumey, chercheur, revient sur ce qui détermine nos habitudes alimentaires et explique leurs évolutions :
publié le 14 mars 2011 à 0h00

Gilles Fumey est enseignant, chercheur en géographie culturelle de l'alimentation à l'université Paris IV-Sorbonne et au laboratoire Espaces, nature et culture du CNRS. Il est notamment l'auteur des Radis d'Ouzbékistan. Tour du monde des habitudes alimentaires (1).

Pourquoi mange-t-on des fourmis en Thaïlande et pas en France ?

Ce que mangent les Thaïlandais, ce ne sont pas les fourmis telles que nous les imaginons en France. Ce sont des petites bêtes devenues comestibles par la grâce de la cuisine thaïe, mais qui ont gardé leur dénomination d'origine. Dans son histoire culturelle, la France n'a pas eu l'occasion d'intégrer les fourmis dans l'ordre alimentaire comme elle l'a fait pour la pomme de terre. Mais il est probable qu'en cas de disette nous pourrions nous convertir aux insectes, comme Victor Hugo affamé pendant la Commune de Paris qui a mangé de l'ours du Jardin des Plantes le 30 novembre 1870, puis de l'éléphant quelques semaines plus tard. Mes étudiants ont eu plaisir à goûter en amphi des hormiga culona, fourmis à gros cul que les habitants de Barichara (Colombie) préparent grillées et salées. Stéphane Le Tirant, conservateur à l'insectarium de Montréal, les appelle le «caviar de Santander» et contribue autant à leur comestibilité que les compagnies d'autocar de Santander ou la loterie de la province qui portent le nom de… «Culona».

Qu’est-ce qui détermine la géographie de nos goûts et de nos dégoûts ?

Avant, les Européens mettaient en avant le facteur de l’environnement, les Américains les craintes toxicologiques et les insuffisances nutritionnelles. A tort, puisqu’on c