En mon adolescence, poussé à suivre l'exemple d'un oncle archéologue et naturaliste qui m'emmenait souvent dans ses expéditions, et stimulé par la lecture du Voyage au centre de la terre de Jules Verne et des aventures souterraines de E.-A. Martel ou Norbert Casteret, je partais, aux vacances de Pâques, avec deux amis du même acabit dans les profondeurs des avens et des grottes. Nous restions souvent très longtemps dans cet univers de glaise et de stalactites avec, pour seul réconfort, des boîtes de conserve, une gourde et un thermos. Au cours de l'exploration de l'aven du Mas Bernet, dans la garrigue épaisse de l'arrière-pays, lorsque nous remontions des ténèbres, ahuris et boueux, nous nous empressions, pour ménager nos vivres, de récolter, comme Robinson Crusoë, ce que nous offrait alors la nature : des œufs de pie pour d'excellentes omelettes et aussi de grosses couleuvres à griller.
Rations K. Plus tard, beaucoup plus tard, au fond d'un trou fangeux, dans la vallée du Rio Rapido, en face de l'abbaye du Monte Cassino qui allait bientôt tomber en poussière, j'ai inventé, pour tromper ma peur et ma faim, la soupe au caillou. Voici donc les trois éléments qui pourraient composer le menu d'un festin sauvage. En entrée : soupe au caillou. Prendre un rognon de silex blond, le bien laver, le bien sécher, le frotter, avec énergie, d'herbes rustiques, et le faire bouillir pendant une heure. Poivre et sel, si vous en avez sous la main. Retirer le rognon, q