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Tu mitonnes !

Aïoli Baba et les 40 voleurs

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Chaque jeudi, passage en cuisine et réveil des papilles. Aujourd’hui, kleptomanie dînatoire et mayo provençale.
Aïoli. (CC qwrrty / flickr)
publié le 14 avril 2011 à 0h00

La première fois, c'était un dimanche de l'hiver 69 en classe de neige. Plus précisément, le dimanche de visite des parents. Déjeuner à l'auberge de La-Combe-du-Lac. Au menu, c'était chariot de hors-d'œuvre, truite au bleu, plateau de fromages, mousse au chocolat et côtes-du-rhône. Tout au long du repas, on avait reluqué sur la table la salière et le poivrier en forme d'écureuils. C'était hypnotisant, ces bestioles miniatures en faïence. Et hop, au moment de l'addition, on faucha la salière tandis que le père était parti payer au bar en sifflant une gentiane et que la mère matait Télé dimanche. Le soir, dans le dortoir du Chalet des neiges, on planqua l'objet sous un polochon complaisant, reniflant au passage son odeur aigrelette et domestique de cantine bon marché.

Voilà comment on entame une carrière de délinquant notoire et compulsif des arts de la table. Pickpocket de brasserie, braqueur de moutardier, récidiviste du saleron et du vinaigrier, chapardeur de couverts aux armes des maisons prestigieuses. Toutes les mises en garde et les pires frayeurs n’y ont rien changé : on est un monomaniaque de la razzia sur nappe à carreaux, dans les petites et les grandes maisons. Capable d’embarquer le plus insignifiant distributeur de cure-dents en plastique, la saucière de la manufacture de Sèvres ou le menu du Grand Hôtel.

Certes, rien n’excuse un tel travers, si ce n’est un sens aigu et familial du collectionnisme, qui nous pousse à considérer comme trophées une simple pai