Il n’en rate pas une. Pas une soirée. Pas une coupe de champagne. Sa technique est rodée. Jouer les passe-muraille à l’entrée, foncer vers le buffet, et se muer en caméléon, se fondre ton sur ton. La main leste, il n’est jamais à sec, saisit toutes les tournées de canapés. C’est le pique-assiette. Vieille branche de l’espèce humaine. Mais qui connaît un regain d’appétit en ces sales temps de vaches maigres. Un radin ? Plus sioux. Le pique-assiette est une sangsue qui jubile à l’idée de jouer les intrus et de braver la bienséance. Le tout en se foutant comme d’un macaron d’être mal vu.
Si les pique-assiette agacent tant, c'est «parce qu'ils transgressent une règle implicite et fondamentale du droit social : la notion de territoire, analyse Dominique Picard, psychologue-sociologue (1). Dans notre civilisation, on ne va pas à une réception sans répondre à une invitation». Faut-il voir en eux d'odieux personnages bons à jeter avec les cadavres de bouteilles ? Pas si tranché. Le pique-assiette a du joueur en lui. Un culot à en faire baver ceux qui ne parviennent jamais à capter le moindre petit-four. Et un petit côté rebelle contre l'ostentatoire, le dispendieux, l'étalage-gaspillage… Loin d'appartenir à un seul modèle, il y a presqu'autant de pique-assiette que de bulles dans un magnum. Avec une certaine progression. Alors que les débutants ne fréquentent que les vernissages publics, les plus chevronnés squattent, sans vergogne, les soirées privées. A ce stade,