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Libération
Tu mitonnes !

A fleur de pot

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Chaque jeudi, passage en cuisine. Aujourd’hui, gelée de pissenlits et œufs à la neige aux fleurs d’acacia.
Fleur de pissenlit. (CC Arpent nourricier / Flickr)
publié le 21 avril 2011 à 0h00
(mis à jour le 21 avril 2011 à 18h22)

Par une nuit d’avril 1946, Marguerite s’éveilla sur les coups de 3 heures du matin. Elle avait senti son bébé bouger. Encore deux mois à attendre avant d’aller accoucher dans cette maternité grande comme un mouchoir de poche, nichée dans la ruelle de l’Hôtel-Dieu. Elle se tourna doucement dans le lit, ménageant son ventre rond. Elle écouta le souffle doux et long de Paul, devinant dans l’obscurité son dos frêle aux omoplates saillantes. Il flottait dans son pyjama trop grand. Sept ans plus tôt, elle avait épousé un garçon aux larges épaules, un brin grassouillet. Il y avait eu un saumon mayonnaise, de la poularde, du filet de bœuf et de la bombe glacée au repas de noces. Les mariés étaient partis se coucher tôt dans leur petit deux-pièces en rez-de-chaussée, avec jardin et poulailler.

Quatre mois plus tard, Paul était mobilisé sur la ligne Maginot. Il avait beaucoup écrit à Marguerite durant cette longue attente que fut sa guerre. Il se fabriquait aussi de fausses permissions pour la retrouver dans une chambre borgne d’hôtel, derrière la gare de Mulhouse. Marguerite lui apportait des savonnettes Cadum et ses petits gâteaux à la noisette qu’il aimait tant, dorés et chauds, tout juste sortis du four.

Le premier mort que vit Paul s’appelait Marcel. Un chouette copain avec qui il était passé devant le conseil de révision en 1935. Marcel avait sauté sur une mine en allant ramasser des pommes.

En juin 1940, le régiment de Paul s’était retrouvé encerclé par la Wermacht. On s’était bat