C'est un petit livre qui coûte 10 euros (1). Sylviane Rosière y raconte sa vie d'ouvrière, dans une usine de décolletage de la vallée de Chamonix (Haute-Savoie). «Le décolletage, c'est une fabrique de décolletés ?» interroge une copine de bureau. Sylviane répond : «Le décolletage consiste à faire des pièces à partir de barres de métal. L'atelier de tournage fait les ébauches. Celles-ci vont ensuite au taillage, au décolletage, à la reprise, puis c'est l'atelier de contrôle et les expéditions.» On était allé voir la définition sur Wikipédia. C'est plus simple de lire Sylviane.
Voyons le sous-titre du livre : «Petits bruits d'un quotidien prolétaire». Ça commence comme ça : «Toutes les usines ont leurs odeurs. La mienne sent la chaussette sale. Ici tout est vieux. Certaines machines verdâtres ont plus de vingt ans. Elles rotent et pètent fort.» Après, voilà : «L'an passé, un intérimaire s'est empalé la main sur une de ces vieilles brocheuses. Le matin, tous ceux de l'équipe de nuit étaient blancs d'émotion. Ils avaient dû descendre le gars, enlever la broche, étendre le blessé évanoui et attendre vingt-cinq minutes que les pompiers arrivent.» Suzanne note plus loin qu'il «pourrait» retrouver l'usage de sa main. Le «quotidien prolétaire», c'est qu'on n'a pas le temps de rêvasser quand on bosse, au risque d'y laisser des doigts. Les personnages s'appellent «Petit-pet», «Géant Vert», «Valérie Tortue» ou «Fafa». «Fafa», c'est parce qu'el