Ce soir-là, en bonne compagnie dans un bon restaurant (1), il s’agissait d’accompagner un ferme et fin denté, roi des poissons méditerranéens. Il était cuisiné avec des artichauts, du lard, une sauce légèrement crémeuse. La serveuse a proposé un roche-buissière (côtes-du-rhône), cuvée le Claux, dominée par le grenache. Un vin assez sombre, ample et droit, plein d’arômes de fruit rouge, de fraîcheur.
Quelques jours plus tard, on débarquait au domaine de la famille Joly (2), avec la ferme intention de comprendre qui faisait cela, comment, pourquoi. Le père, Pierre, a repris des vignes familiales, qu'il a travaillées tôt en bio, même si l'agrément n'existait pas. Il refusait les produits imposés «par les grandes multinationales», avait une sensibilité écologique. On était dans les années 70. Son raisin, donné à la coopérative, était mélangé à celui des voisins, chargé d'herbicides, de pesticides… Mais comme ils étaient cinq ou six dans le pays à faire différemment, une cave a fini par leur proposer de faire une cuvée bio. Puis Antoine, le fils, a terminé ses études viti-œno et, en 1999, ils se sont mis à faire du vin. Le père aux vignes, le fils au chai.
Au départ, ils laissaient les vignes enherbées. Mais elles ont souffert de la sécheresse en 2003 : l'herbe tapait trop fort dans les maigres réserves hydriques. Désormais, ils travaillent le sol. Le père bine ces temps-ci. La terre est argileuse, avec de la pierre, du grès, et par endroits des parcelles plus sableuses, p