C’était bientôt l’heure de casser la graine alors qu’on filait sur l’autoroute. On bifurqua donc à la première bretelle, déplorant la guitoune désormais vide des péages où il était pourtant bien commode de tailler une petite bavette pour décrocher une adresse gourmande. Au lieu de ça, allez donc causer à un péage automatique qui gobe vos pièces ou votre carte bancaire. On opta donc pour la solution la moins aventureuse - le pique-nique - non sans avoir vérifié la présence de l’indispensable Opinel (modèle n°8) dans le vide-poches de l’auto.

A la vue du premier bourg, victime d'une invasion de géraniums écarlates clonés, on se précipita au supermarché, car il était déjà presque midi. En matière de nomadisme alimentaire, on ne connaît qu'une valeur sûre : le pâté Hénaff, fabriqué à Pouldreuzic (Finistère) depuis 1915. La petite boîte ronde et bleue est pour nous un axiome gravé dans le marbre des provisions de bouche qui s'emportent du Cap Ferret au Crêt de la Neige, en passant par la Baie de Somme. Ainsi pourvu de pâté Hénaff pur porc, d'une baguette bien cuite, d'un chèvre demi-sec et d'une poignée de burlats, on s'en alla explorer la tranquillité d'une rivière ombragée. On croisa un drôle de pèlerin affublé d'un antédiluvien K-way et d'un galurin publicitaire à la gloire d'une huile de moteur. Il était tout à l'observation de ses trois cannes à pêche. «C'est pas le jour, il y a trop de vent», bougonna-t-il en guise de salutation. Puis il balança à l'eau une boulette