Ce soir-là, on avait dîné chez un zigoto amoureux des cuissons précises, et des très bons produits. Il avait préparé un risotto renversant, à partir du riz vieilli durant sept ans par la famille Rondolino sur les bords du Pô. Il accompagnait ce soir-là une canette cuite au Römertopff, cocotte en terre magique qui travaille à l’étouffée, exaltant les arômes. Avec cela, un blanc de la région des Baux-de-Provence, la cuvée «le Grand Blanc» d’Henri Milan (1). Chardonnay, grenache blanc, roussane, plus un peu de vermantino et de muscat petits grains, afin d’éviter la mollesse. Un vin fougueux et ample, légèrement salin et long en bouche. Avec des notes oxydatives délicieuses. Tout un poème, l’oxydation. Trop souvent, les vignerons s’acharnent à assommer leur vin de soufre pour la tuer, comme on s’enlève toute marque de vie, de peur de se voir vieillir. Maîtrisée, elle donne pourtant de jolis arômes de pomme, et un goût de vin plus libre, libéré des standards et carcans.
Henri Milan est un homme assez libre. Son père, notaire, possédait quelques vignes et une belle cave, que le fiston aimait ranger. Ils étaient cinq garçons, les aînés sont devenus notaires, mais lui s'est tourné vers le vin, qu'il aimait déjà boire. Ce qui est un bon début. D'emblée, il a voulu travailler bio, pour «[se] balader dans [ses] vignes sans attraper un cancer, et boire [son] vin sans avoir mal à la tête». Pas de produits de synthèse, et le moins de soufre possible à la vinification, pas du tout