C’est une discrimination qui ne cicatrise pas. Polo Lacoste violet, cheveux gris et voix douce, Jean-Pierre (1) est un jeune retraité qui conserve les pièces de son histoire dans une chemise de plastique noire. Son homosexualité a, d’après lui, été un frein à sa carrière. La société qui l’a employé pendant trente ans l’a empêché de progresser en raison de son orientation sexuelle. Une inégalité de traitement punie par la loi mais quasi impossible à prouver, pour Jean-Pierre comme pour bien d’autres.
En 1969, Jean-Pierre sort diplômé de l'Essec, prestigieuse école de commerce. Sa carrière s'annonce prometteuse. Ce fils aîné d'une famille modeste de cinq enfants entame sa vie professionnelle au Crédit agricole. Rapidement, il est nommé directeur d'agence, chapeaute plus d'une vingtaine de succursales en région parisienne. Il grimpe tous les échelons, réussit le concours interne - appelé le «parcours» - qui lui permet de prétendre à une fonction prestigieuse : cadre de direction. Le parcours, c'est une batterie de tests en tout genre destinée à fabriquer un esprit «maison», une culture d'entreprise. Jean-Pierre est déclaré «apte». Célibataire et sans enfant, il souhaite un poste à l'étranger. Refus. Alors il fait une demande au siège de la caisse nationale, dans les filiales. Re-refus. Plus de 14 fois en trois ans, Jean-Pierre est retoqué dans ses souhaits. C'est la direction qui décide. Et qui argumente. Son commentaire : «Mon profil ne correspond pas. Je ne suis p