Cette année-là, on avait découvert l’agnelage en donnant un coup de main à un éleveur du côté de Rodez. Il travaille pour une petite coopérative fabriquant un roquefort délicieux, le Vieux berger, et il fallait à mesure des naissances construire de petits enclos de planches, pour isoler chaque agnelle avec ses petits. Parfois aussi, faire adopter un nouveau né lorsqu’une portée était trop copieuse pour que la mère nourrisse tout le monde. Et puis de temps en temps, lorsqu’un agneau se présentait mal, mettre le bras pour le retourner dans le ventre de sa mère. Les jours et les nuits étaient longs. Il fallait se relayer. Et partager quelques plaisirs. La nuit, des parties de belote autour d’une prune locale. Et un soir, un gaillac perlé que quelqu’un avait apporté. Un vin frais, dont les minuscules bulles roulaient sur la langue comme des perles, renforçant la vivacité. La verdeur du vin tranchait avec les odeurs, chaudes, de la bergerie. Le fourrage souillé, la laine, le placenta…
Gaillac est un drôle de vignoble, tranché net par le Tarn qui sépare deux rives extrêmement différentes, un peu comme le Bordelais de part et d'autre de la Garonne. Rive gauche, un sol caillouteux, assez pauvre, pour des vins souples et précoces. Rive droite, une terre profonde, argilo-calcaire, des vins robustes, de garde. L'appellation a gardé une vraie typicité en imposant au moins 60% de cépages locaux, que l'on ne trouve qu'ici. Le «prunelart», cultivé par Bernard Plageoles, donne par e