Je ne connais pas son nom. Il a débarqué comme ça, de nulle part, sur son vélo. Tel le cow-boy progressant lentement depuis l’horizon, il s’est avancé vers l’objectif, passant d’une silhouette floutée à une image tout à fait claire. J’ignore pourquoi je l’ai pris en photo. Le tatouage tribal peut-être, ou alors cette barbe insolente qui se débat dans les lanières du casque.
Partout, le Nord-Namib s'étend, aride, lunaire. Nous touchons aux confins du Kaokoland, marqué par la découpe des inhospitalières Baynes Mountains. Au milieu passe la C43. Une route dessinée d'un trait bien gras sur ma carte, mais qui n'est rien d'autre qu'un chemin grossier et caillouteux. La chaleur et la poussière m'assoiffent, j'ai besoin d'ombre et d'un coup de flotte. Lui aussi. Sous ce baobab, alors que nous partageons une gourde, je peine à dissimuler ma gêne de le voir si chichement équipé, à cheval sur ce vélo banal. Quatre grosses sacoches à l'arrière, deux autres devant le pédalier, une petite trousse à outils scotchée au guidon, la mule est chargée. Le cadre aussi, lourd de trois bidons d'eau. Le conseil d'un Namibien croisé la veille me revient en écho : «Dans le désert, ne refuse jamais une occasion de boire. C'est peut-être ta dernière gorgée.» Flippant.
Il est allemand, «de Munich». Mais s'applique à m'articuler son meilleur anglais. Il s'amuse de mes difficultés à jongler avec les auxiliaires, à piocher dans mes souvenirs de collégien. Comme moi, il s'est réveillé à Opuwo