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portrait

L’homme-oiseau

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Portraits d’ailleurs (13/13). UN AUTRE REGARD. Depuis trois ans, Libération et l’Association pour l’aide aux jeunes auteurs (Apaj) organisent un concours de reportages sur le thème du voyage réservé aux moins de 30 ans, parrainé par Erik Orsenna. Nous publions treize de ces rencontres nomades : belle mère libanaise, cycliste perdu, homme oiseau… Ces «portraits d’ailleurs» sont illustrés par des étudiants en art.
par Maud Rieu
publié le 16 août 2011 à 0h00

La musique résonne sur les hauts plateaux malgaches. Un millier de personnes est venu célébrer Ravorona. La foule se déhanche au son des cuivres, soulevant la poussière rouge de ces terres qui s’étendent à perte de vue. Le buffet est immense : zébu, porc, riz, achards de légumes emplissent les tables, pour l’occasion, dressées dans le cimetière.

Ici, tout le monde connaît Ravorona. Une célébrité contée, transmise, enjolivée par les légendes chères aux Malgaches. Je ne le connais que par les dires de ses descendants qui m’accueillent. Aujourd’hui je vais faire sa connaissance. Personne n’a pu me décrire son visage : Ravorona est mort depuis plus de deux cents ans. Cet après-midi, il va revoir le soleil.

Ce vendredi c'est jour de famadihana,de retournement de mort, à Ambohibary. L'enjeu est sacré : avant le coucher du soleil, les os du mort doivent être déterrés, enveloppés dans de nouveaux linceuls puis transportés à travers le village. Ainsi son aura continuera de protéger les habitants et son âme rejoindra le monde des ancêtres pour y trouver le repos. Une tradition honorée pour chaque défunt malgache tous les trois, cinq ou sept ans ou lorsqu'un descendant rêve que le mort a froid. Il n'est alors plus en mesure de protéger les siens, le revêtir devient priorité. Invitée à la fête, je mesure l'honneur qui m'est fait entre appréhension et excitation : les étrangers ne sont pas souvent témoins du cérémonial.

Ravorona connaît bien le village d’Ambohibary, «rizière» en ma