Le magret était tendre et saignant, sous une peau joliment grillée. Pour lui conter fleurette au creux de l'estomac, un vin plein de chair, de sève et d'équilibre : Babiole, d'Andréa Calek, rencontré quelques semaines plus tôt en Ardèche. Le vigneron était tendu car les vendanges approchaient, synonymes de choix à faire rapidement, sur une période très concentrée, avec souvent autant d'inconvénients que d'avantages.Pour être vigneron, il faut penser en plusieurs dimensions. J'avais découvert le vin d'Andréa grâce à un bistrotier lyonnais, Manu, bougon et passionné. En m'offrant une bouteille du premier millésime, il m'avait dit : «Tu verras. Je crois que c'est un génie de la vinification.» Avant d'aller le voir cet été à Valvignères (1), j'avais déjà croisé une ou deux fois dans des salons ce vigneron au physique de mannequin punk. Doué pour le vin et les provocations.
Andréa Calek est né au cœur de la Bohème. Un jour, sa grand-mère faisait du jus de groseille. Il a essayé à son tour, a doublé la dose de sucre, et laissé fermenter pour que cela devienne du vin, dont il s'est saoulé. Plus tard, en France, il a multiplié les boulots avant d'avoir envie «de faire quelque chose plus profondément». A hésité entre l'archéologie et la vigne. Et après sa formation et un apprentissage chez Dominique Hauvette, excellente vigneronne des Baux-de-Provence, il s'est installé en Ardèche, sur la terre d'un autre déraciné.
Un pied-noir avait planté là, en rentrant d'Algérie,