Alcoolisation massive, binge drinking, biture expresse, coma éthylique… La jeunesse qui titube semble devenue une obsession de santé publique. Bien davantage que l'ivresse à l'âge adulte. Pourquoi cette focalisation ? L'Institut de recherches scientifiques sur les boissons (Ireb) organise, ce matin à Paris, une table ronde sur «la construction des stéréotypes et des préjugés sur l'alcool». Maître de conférence en histoire et communication audiovisuelle à l'université de Paris-I, Sébastien Le Pajolec travaille sur la construction des préjugés. Attaché aux représentations de la jeunesse, il a visionné des heures de reportages télévisés consacrés à l'alcoolisation des mineurs. Et conclut à la fabrication d'un «genre journalistique en soi», censé encourager la prévention, mais fortement caricatural.
Pourquoi dénoncez-vous le message de la télé sur les jeunes et l’alcool ?
Je ne cherche pas à remettre en cause l’alcoolisation des jeunes. Mais je veux démontrer qu’on tente, à la télévision, de faire passer pour neuf ou émergent un phénomène qui a toujours existé. J’ai visionné quantité de reportages sur ce thème depuis 1995. Ce qui frappe, c’est que les mêmes ingrédients visuels reviennent systématiquement : il y a une scène de coma éthylique pour illustrer le danger ; la présence de secouristes ou de la police pour le rappel à l’ordre ; et des lieux festifs (donc une certaine sociabilité) stigmatisés.
Sur le fond, quand par exemple une enquête scientifique est publiée, elle ne sert que de prétexte d’actualité pour revenir aussi