Ce moment a la saveur des rendez-vous clandestins. Régulièrement, des amoureux des bons vins se croisent le samedi matin à Marseille dans l’arrière-boutique d’un petit boulanger portugais. Ce garçon fait l’un des meilleurs pains de la ville. Des baguettes qui craquent doucement quand on les presse entre deux doigts. Des croissants qui donneraient envie de se lever. Des petits gâteaux portugais à la coque croquante et la crème légère…
Le premier samedi, c’est un ami portugais qui m’a conduit là-bas. Un plasticien qui voulait me présenter «Monsieur Rodrigues». Que sa famille en soit remerciée sur trois générations. Le boulanger était en train d’enfourner des croissants avec une pelle dont la queue faisait plus de trois mètres. Il faut cela car son four, très ancien, est aussi étroit que profond. Rodrigues y entre tout entier et rampe à l’intérieur, lorsqu’il lui faut le nettoyer. On a goûté ses croissants, puis le boulanger a soulevé une petite trappe, dévoilant une échelle de meunier qui menait vers la cave, où il range ses trésors. Bourgognes, châteauneuf-du-pape, bordeaux, vins de Provence, du Languedoc. Et de très beaux portos, qu’un de ses amis fait venir du pays pour les connaisseurs.
En remontant, Monsieur Rodrigues tenait une vieille bouteille à la main. Un de ses copains est arrivé. Un Australien au rire ample qui passait déposer un poisson cru. Cela se passe souvent ainsi dans cette arrière-boutique. Des amis passent. Des pêcheurs, des chasseurs, qui se servent en pain