Menu
Libération
Tu mitonnes

Un coq à la gueule de bois

Article réservé aux abonnés
Tu mitonnes !dossier
Chaque jeudi, passage en cuisine. Aujourd’hui, une recette au vin jaune du Jura.
publié le 8 décembre 2011 à 0h00

Ça fait un bail qu’on n’était pas allé en forêt avec «le Grand». Alors l’autre jour, on est monté sur sa vieille XT 500 pour rejoindre la Crochère. On dit le Grand parce qu’il est imposant le gaillard. Il tutoie le mètre quatre-vingt-quinze et le quintal et, même s’il prend de l’âge, il ne faut pas lui en montrer pour fendre un stère de chêne avec le merlin.

Le Grand, il est toujours allé au bois. A peine qu'il savait marcher, il ramassait des brindilles dans les bottes de son père pour faire du feu quand il gelait à pierre fendre au milieu des clairières. Du coup, il a appris à compter avec des bûchettes de noisetier, c'est peut-être pour ça qu'il préférait les fourrés aux bancs de l'école. Ses profs n'arrêtaient pas de répéter qu'il aurait pu apprendre un beau métier du bois mais, lui le Grand, il n'attendait qu'une chose : ses 16 ans et se tailler du bahut. Après, il est devenu une sorte d'idole pour nous les mômes : mi-Raboliot, mi-Mandrin. Entre deux coupes en forêt, il courait les eaux vives et la lande pour le sandre, les escargots ou les grenouilles. C'est avec lui que l'on a pêché notre première truite. Mais, c'est en forêt qu'il nous a tout appris. Il vous décrit le destin d'un arbre rien qu'en observant sa souche, un peu comme un livre ouvert devant lui (1). Il vous parle du cœur de l'arbre, de l'aubier où il vous montre un mince cerne évoquant pour lui «une année sèche et difficile». Il raconte une vieille blessure de l'arbre en scrutant son écorce.

(photo Audoin Desforges)