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Libération
Interview

«La figure du bouffon est liée à l’afflux massif d’élèves»

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Joël Zaffran, professeur de sociologie à l’université Bordeaux-II :
publié le 10 janvier 2012 à 0h00

Joël Zaffran, professeur de sociologie de l'université de Bordeaux-II, travaille notamment sur les adolescents et le temps scolaire. Interrogé par Libération, il analyse la figure du bouffon en classe (1).

Quand le bouffon est-il apparu à l’école ?

Il est difficile de le situer précisément. Les premiers travaux mentionnant ce terme remontent au milieu des années 90. En fait, la figure du bouffon est liée à la seconde «massification scolaire», qui a débuté dans les années 80 - la première remontant aux années 50-60. Pendant longtemps, l'enseignement secondaire avait été réservé à la bourgeoisie. L'école primaire était destinée à tous. Puis c'était la grande rupture : les bourgeois poursuivaient et les prolétaires partaient en apprentissage. La figure du bouffon est apparue lorsque les portes de l'enseignement secondaire se sont ouvertes à tous, et que la question urbaine [l'émergence des quartiers difficiles et des ghettos scolaires, ndlr] s'est posée. C'est, d'une certaine façon, la conséquence du collège unique où certains se sentent «damnés», incapables d'entrer dans le rôle assigné par l'école qui leur renvoie une image d'eux négative. Pour restaurer leur estime de soi, ils remettent en cause le modèle du bon élève et rejettent les valeurs et les normes scolaires - la discipline, le sérieux, le labeur, l'effort… C'est ainsi que le bouffon est apparu. Il est celui qui renvoie à la face des damnés de l'école ce qu'ils rejettent le plus.

Peut-on le définir ?

Dans la terminologie des ZEP (zones d’éducation prioritaire), c’