Ce sont des travailleurs du dimanche. Un jour où le temps s’écoule à un rythme différent. Comme si les heures ne filaient pas de la même façon, laissant à ceux qui travaillent le temps de prendre leur temps (1). La scène se passe dans un train qui se rend dans le Sud-Ouest : six heures trente de voyage. Quand on part, il fait jour. On arrive lorsque se pointe la nuit. Une journée de douce léthargie.
Un fluet - plus tout jeune -, serveur au wagon-bar, attend les rares clients. Scoumoune : le micro-ondes a rendu l'âme. Il ne peut vendre de plats chauds. Seuls les croque-monsieuret la salade fraîcheur sont disponibles. Le serveur frôle la mélancolie. Il n'a personne à qui parler. Alors, il s'adresse aux contrôleurs. Les longs voyages suscitent les confidences.
Les gens qui travaillent le dimanche parlent de leur vie privée puisque, précisément, ils sont au travail le jour où ils devraient s’occuper de leur intimité. Un contrôleur imite la façon dont son fiston répond à sa mère. Il hasarde une comparaison avec sa propre éducation. Il cause fort et on l’entend.
Le serveur, lui, s'épanche sur le chiffre d'affaires qu'il est censé faire : «Ils prennent en compte les journées où les trains sont blindés, et ils font une moyenne faussée.» «C'est leur façon de compter pour moins vous payer, rétorque un des contrôleurs. Ce sont de gros arnaqueurs. Ils vous prennent pour des crétins !» Le train traverse un paysage de vignobles, qui profite de quelques écl