Menu
Libération

L’aile ou la cuisse et la pâte

Article réservé aux abonnés
Tu mitonnes !dossier
TU MITONNES. Chaque vendredi, passage en cuisine et réveil des papilles. Aujourd’hui, une tourte au poulet et poireaux inspirée par Simenon.
publié le 9 mars 2012 à 0h00

La première fois qu'on l'a vu, c'était un soir mouillé. La pluie et la tempête fouettaient méchamment la vitrine de chez Idir. L'inconnu s'est jeté sur la porte du rade, poussé par une violente bourrasque. C'était point d'heure mais le gars avait la mise impeccable. Costume noir, chemise blanche et cravate noire, le tout abrité sous un trench Burberry, ce n'était pas une dégaine courante dans le quartier. Au comptoir, Paulo a grogné sur son tabouret : «Il s'est trompé de ligne de métro celui-là.» Dans le fond du café, trois souris qui s'achevaient au Get 27 en piaillant «Happy Birthday to youuuuu…» ont interrompu leur cinoche à la vue du beau ténébreux. L'une d'elles s'est mise à roucouler d'aise. Le gars l'a ignorée en se dirigeant vers le bar : «On peut encore manger quelque chose ?» qu'il a murmuré. Idir a acquiescé : «Oui, mais ce sera un plat en direct.» L'inconnu a consulté l'ardoise accrochée à un pilier et a commandé un faux-filet saignant avec des frites et une demi-Badoit. Puis, il s'est assis à la seule petite table carrée en face de la caisse enregistreuse d'Idir. Il était juste dans l'axe de l'entrée du bar, tournant le dos à l'écran plat géant qui radotait des clips braillards.

L'homme a mangé sans un mot, faisant un sort au pot de moutarde, ses yeux brun vert perdus dans la circulation du boulevard. Puis il a commandé un expresso qu'il a bu d'un trait, s'est levé pour payer avec un billet de 50 euros, avant de disparaître apr