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Libération

Les frites siffleront trois fois

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Tu mitonnes . Chaque vendredi, passage en cuisine et réveil des papilles. Aujourd’hui: transports culino-ferroviaires.
publié le 23 mars 2012 à 0h00

Il était seul au bout du quai. Assis dans la frêle guérite de verre des voyageurs. Fumant cigarette sur cigarette, allumant la nouvelle sur le mégot de la précédente. Sa fumée faisait de grasses volutes dans l’air glacé du petit matin. La voie ferrée filait vers l’Est, inondée d’un soleil de printemps naissant dont les rayons parvenaient déjà à réchauffer les traverses de bois qui transpiraient le parfum poivré de la créosote.

Le chef de gare avança jusqu'à la guérite et pencha la tête à l'intérieur : «Monsieur, ici, c'est interdit de fumer.» Le fumeur compulsif, perdu dans ses pensées, leva brusquement la tête : «Ah bon excusez-moi.»

L'homme éteignit soigneusement sa cigarette sous le talon de sa chaussure droite et la rangea dans une des poches de sa parka. Il se leva à l'annonce du train et ajusta son bagage à l'épaule droite. C'était l'un de ces sacs de voyage bon marché que l'on trouve dans les grandes surfaces avant les départs en vacances. L'homme avait glissé l'Equipe dans l'un des soufflets. Il sortit son mégot de sa poche, l'alluma rapidement et tira frénétiquement dessus alors que le train glissait doucement sur le quai. Il hésita devant le numéro de sa voiture et questionna un voyageur : «C'est bien la voiture 16 ?» Voyager en train n'était visiblement pas dans ses habitudes. Il pénétra prudemment dans la rame, tâtonna pour trouver le bouton débloquant la porte. Puis, on l'observa avançant en lisant les numéros des sièges à haute